Critique du jour

J’ai cette habitude-défaut d’arriver en avance lors d’un rendez-vous professionnel – et ce,
principalement quand cela concerne le spectacle vivant et/ou la performance. Pouvoir
observer les dernières mises en place. Ressentir l’énergie du pré-show. À mes yeux, la
performance commence souvent dès cet instant, puis ne s’arrête qu’une fois le clap de fin. Et
encore, celle-ci ne continue-t-elle pas tant que l’émotion n’est pas retombée ?

[45min. en avance]
Sortie du métro La Chapelle [Ligne 2 – Bleue], Paris. L’énergie et les mouvements multiples du
quartier, car oui, ce quartier de Paris est l’un de ceux que j’affectionne le plus : le corps, malgré
lui, se voit remplit d’une puissance énergétique qu’il ne tarde pas à incarner, rien qu’à deux
pas, modestement effectués dans la rue.
Quelques minutes de marche, et j’arrive dans ce petit théâtre que je ne connaissais point. Mais
que je ne tarderai pas à apprécier, du fait de la proximité du public au plateau [en ce qui
concerne la petite salle dans laquelle je me retrouvai]. Rien de mieux que ces conditions pour
accueillir le jeu des acteurices. En l’occurrence, ici, celui de la grande Karine Pédurand.

Dans une période dure où racisme, rejet, et peur de l’Autre n’est que quotidien en France. Voir
les mots de Léonora Miano résonnés, déclamés, scandés, vomis, balancés par Karine
Pédurand – alternant entre voix seule et par micro [et oui, j’apprends à l’instant, que Karine
pouvait se permettre de chanter. Que ne sait-elle donc pas faire ?] me scotcha. Texte prenant
tout son sens, et encore plus là, face au chaos et au vrillement alarmant du Monde… Une
réponse plus que frontale en opposition au discours Zemmourien de colonisa(on inversée
pour nommer la M.I.G.R.A.T.I.O.N. Tout en confrontant le public à sa propre condition (1) la
condition blanche ; (2) le fond des choses – le nannan des problématiques sociétales en termes
de races, d’Histoire et de nominaBon ; (3) la fin des fins.

Je parlais de Karine Pédurand et de son micro, de la relation qu’elle entretenait avec lui – de
son utilisation comme argument à contraindre les corps. Le sien, tout d’abord, puis le nôtre,
spectateurice. Le rythme des mots s’intensifiant s’accélérant s’écriant. Pour finir asphyxier :
par le tempo, les mots, le jeu, et… la création sonore interprétée par Triinu Tammsalu [entre
accord, désaccord, mariage et divorce des notes, bruits stridents, grinçants, pleurants,
grimmaçants… ANMWÈ !!!] Quand la violence du dehors s’immisce dans le dedans.
Andidan an déwò andidan an déwò andidan an déwò and…. APOPLEXIE !
Dans cette perte de connaissance, je rêve telle que cette amie du personnage incarnée par
Karine Pédurand, d’un monde tout simplement autre de celui que je suis sûr de retrouver une
fois les yeux réouverts.

Ce qu’il faut dire au Théâtre La Reine Blanche
| Mise en scène : Catherine Vrignaud-Cohen
| Texte : Léonora Miano
| Avec : Karine Pédurand, Triinu Tammsalu

David Démétrius